The Animal In Me : « Words + Actions »
49 août 2015 par Vincent Mondiot
Tu vois, les derniers trucs dont j’ai parlé, genre Math the Band ou Mixtapes, ils font partie de cette catégorie de groupes qu’on pourrait qualifier de « respectables ». Tu peux parler au plus casse-couilles des hipsters musicaux, genre un lecteur de Noisey qui a des moustaches et des baskets à quatre cents euros, il n’aimera pas forcément, trop occupé qu’il est à faire semblant d’aimer Taylor Swift pour se donner l’air décalé, mais il ne se foutra pas de ta gueule. Ce sont des groupes fauchés et peu connus, qui cultivent un certain « un degré cinq » dans leur façon de faire de la musique, qui sortent des disques assez mal enregistrés et dont les clips sont, si on est d’humeur positive, qualifiables de « lo-fi expérimentale ».
Mais à côté de ça, il existe d’autres catégories de groupes. Aujourd’hui on va parler du nouvel album de The Animal In Me, qui lui appartient à la catégorie « groupe putassier dont le mauvais goût fait baisser les yeux à tout le monde ». Détends-toi et retrouve ton vieux baggy du lycée au fond de ton placard, il va être question de neo metal.
Evacuons d’emblée l’aspect musical de ce disque : dix chansons, même pas quarante minutes de musique, ce deuxième album garde l’efficacité du premier. Il en garde également la recette : tous les titres de ce disque auraient pu être présents sur le précédent sans que ça choque. Et c’est très bien ainsi, ce n’est que leur deuxième album, faut qu’ils entérinent leur style avant de le dépasser.
Y a pas un seul titre qui ne donne pas envie d’accélérer le pas quand tu marches dans la rue avec tes écouteurs. Neo metal complètement assumé, ce qui est déjà à saluer en 2015 (il ne reste d’après les scientifiques que quatre groupes dans le monde à revendiquer cette étiquette), la musique de The Animal In Me en reprend tous les poncifs : pochette moche vaguement dark, son énorme, batterie robotique, tendance à l’épique, arrangements électro, chant masculin qui gueule en rappant et chant féminin qui s’occupe principalement des refrains pop-rock… Tout y est.
A noter tout de même qu’ici, petite originalité, les deux chants sont réellement aussi importants l’un que l’autre, et il m’est difficile de dire qui de Shane (le chanteur) ou de Laura (la chanteuse… Au cas où les prénoms ne soient pas assez explicites sur qui est qui) est le meneur vocal du groupe. Disons les deux en même temps et n’en parlons plus.
Bref, neo metal, quoi.
Et pourtant, et c’est là que le groupe commence à devenir intéressant : ça ne sonne jamais nostalgique. Ce que propose The Animal In Me, ce n’est pas un revival neo, mais un authentique neo metal de 2015, qui a incorporé à son son tout ce qui est arrivé à la musique depuis que Linkin Park ne fait plus rire personne. Je pense sincèrement que les membres du groupe ne se sont jamais dits qu’ils voulaient sonner comme tel ou tel groupe de 2002. Ils ont simplement fait la musique qu’ils avaient envie de faire, celle qui macérait dans leurs tripes de trentenaires Californiens aux cheveux teints. Et cette musique, qu’ils s’en soient rendu compte ou non, c’est le neo metal.
Pour faire mon malin, j’ai dit dans mon intro que tu pouvais ressortir ton baggy de lycéen, mais en vrai, c’était une connerie. The Animal In Me est un groupe actuel, qui à mon sens s’adresse davantage aux lycéens d’aujourd’hui qu’à ceux que nous étions en des temps oubliés.
J’en veux pour preuve la dimension méga 2.0 du groupe, qui s’est fait connaître d’une façon assez originale : en reprenant à la pelle, sur Youtube, les titres pop radios de ces dernières années, à la sauce metal. D’Eminem à Katy Perry en passant par fun. ou Carly Rae Jepsen (ma reprise favorite, absolument fabuleuse… Même si aidée par le fait qu’ils reprennent l’une des meilleures chansons de l’histoire de la pop, évidemment), tout y est passé, avec en général un clip pour accompagner le délire. Presque à chaque fois, ça fait péter le demi-million de vues. En comparaison, « Words + Actions », leur nouvel album qu’ils ont lancé en streaming sur Youtube aussi, n’en est qu’à huit mille vues.
Je le redis : The Animal In Me est un groupe d’aujourd’hui. Un groupe des réseaux sociaux, des vidéos virales, un groupe qui enregistre pour le format mp3 et pas pour un pressage vinyle en édition limitée blablabla, qui répond à ses fans dans les commentaires, qui semble n’avoir aucun problème à être souvent considéré comme un groupe de reprises… Et en fait, bah je trouve ça super cool. Cette attitude, elle est trop rare dans le metal. Ces gens sont décomplexés, ils sentent la détente, l’amusement. Je veux dire, merde, t’en connais beaucoup, des groupes de metal qui sourient dans tous leurs clips ?
Et c’est ça, je crois, qui fait que je me suis pris d’affection pour ce groupe malgré tout mon développement qui pourrait t’avoir laissé penser le contraire. The Animal In Me prend sa musique au sérieux, mais le fait en toute innocence, en ne cherchant au final à rien proposer d’autre qu’un bon moment musical, complètement dissocié de toute inquiétude concernant les critiques qu’on pourrait leur faire.
Trop pop pour les fans de metal, trop radiophonique pour les punks, trop bruyant pour le grand public, trop populistes pour le suscité lecteur de Noisey… Ce groupe ne parlera définitivement qu’aux lycéens du fond de la classe, ceux qui ont encore un vieux « Skrillex rulz » ou un « Long live BMTH » écrits de travers au tipp-ex sur leurs sacs.
Et ouais, pour en revenir à mon intro, ça me fait chier qu’un tel groupe soit d’emblée, de par son style, considéré comme, au mieux, un « plaisir coupable » par les gens de bon goût. J’ai trente ans, je n’ai plus de plaisirs coupables. Et je connais déjà assez de groupes qui citent Black Flag ou Superchunk comme influences principales pour m’occuper toute une vie. Je n’ai pas envie que tous les groupes de rock fassent la même chose de la même façon. Et The Animal In Me, sous ses dehors hautement putassiers, fait en réalité un truc différent, d’une façon qui l’est tout autant.
Ce n’est pas seulement à saluer, ce coup-ci, mais c’est carrément à écouter. Encore et encore. C’est l’été pour encore un mois et demi, et leur nouvel album convient parfaitement à la saison. Autorise-toi le mauvais goût. Autorise-toi le plaisir, sans avoir à le qualifier de « coupable ». Ce groupe s’amuse beaucoup, je crois, et il ne tient qu’à toi de faire de même.
La pop la plus merdeuse est désormais admise dans les cercles de l’intelligentsia musicale. On peut sans complexe dire qu’on trouve que Kanye West ou Taylor Swift sont des génies, ça nous donne même l’air cool. Moi-même je l’ai fait avec Katy Perry. Pareil pour le metal extrême, pour la musique bruitiste, pour l’électro, pour quasiment tous les styles, en fait… Mis à part le neo metal. C’est le seul genre qui, encore, même à nos âges, suscite automatiquement des rires moqueurs. Je n’ai pas l’explication, je constate juste.
« Words + Actions » vient juste de sortir, et ils n’ont pas encore fait de clip pour l’accompagner. Par contre, tu peux l’écouter en entier ici, (je te conseille particulièrement le doublé « Forgive & Forget » et « Overwhelmed ») ou aller sur le site du groupe pour en savoir plus. En attendant, je te mets le très chouette clip de « Toy Soldiers », issu du premier album. Un album qui, d’ailleurs, contenait aussi le tube ultime « Who’s Laughing Now », que je peux écouter en boucle une journée entière sans me lasser. Voilà voilà. Détends-toi, tu peux sourire. Ce groupe ne veut que ça.
Catégorie: Critiques de disques | Étiquettes : ça n'existe pas les « plaisirs coupables », groupe mixte, neo-metal, pas de revival, The Animal In Me, Words + Actions
4 réflexions sur “The Animal In Me : « Words + Actions »”
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L’appellation neo metal a desservi les groupes a l’époque il me semble. Y avait toujours un pseudo-puriste pour dire que c’était trop populaire ou commercial pour être assimilable au metal. Même les groupes ont pas assumé l’entre – deux on dirait. Je dis ça, j’étais au lycée où, de base, on rentre tout dans des cases. Tout ça pour dire que le côté assumé est, en effet, agréable. Après, j’aime les reprises en général, improbables ou pas, donc ils gagnent forcement des points. Petit bémol sur le maquillage de la chanteuse mais je vais pas chipoter, il est tard et ce commentaire restera surement coincé dans les limbes donc inutile de METALer sur le sujet (!! Oui, il est très tard)
C’est un grand, un très grand jour : ton commentaire est passé ! Je ne te cache pas que le pays est en liesse.
(sinon je suis d’accord avec ton commentaire, aussi, hein ; même si je ne valide évidemment pas le jeu de mots final)
Évidemment, le commentaire avec le jeu de mot passe et le commentaire un peu classe et travaillé n’est jamais publié. Je soupçonne ce blog de vouloir me foutre la honte en fait. (et oui, je découvre 800ans plus tard que le commentaire est passé et qui plus est, que tu y as répondu…)