Shock! : « Première Phase »
Poster un commentaire13 février 2014 par Vincent Mondiot
Hey ya. Retour à de l’article classique, après ces quelques semaines de tops divers et d’auto-promo éhontée.
Enfin, « article classique », oui et non, en fait… Tu vas voir, je t’explique : le disque dont on va parler aujourd’hui, c’est le premier EP d’un jeune groupe de Paimpol (Bretagne, bitches) qui s’appelle Shock! et qui fait du punk old-school chanté en français. C’est eux qui m’ont contacté par mail pour savoir si ça me disait de parler de leur disque sur ce blog.
Ca fait plusieurs fois que ça m’arrive, et c’est toujours très cool, parce que bon, hé, oh, ça va, je crache pas sur les disques gratuits et la gloriole, quoi. Mais cela dit, je l’ai déjà ressenti par le passé : c’est pas super facile de dire des trucs intéressants sur un groupe débutant dont tu ne sais rien et avec la musique duquel tu n’as pas encore eu le temps de vivre des trucs, contrairement à celle d’un disque que tu as toi-même choisi et décidé de faire tourner sur ta platine.
C’est pour ça que j’ai envie de changer un peu la formule du truc : à partir d’aujourd’hui, quand un groupe me demandera de parler d’eux sur ce blog, ça donnera lieu à un texte bi-goût, moitié critique perso et moitié interview. Ca me paraît plus pertinent et intéressant que d’écrire tout seul un millier de mots sur un disque que je n’ai pas encore eu le temps de vraiment explorer ni apprécier à sa juste valeur (ou à sa juste non valeur, selon les cas).
Bon, cela dit, je me connais, y a moyen que cette idée me soûle très rapidement et qu’en fait je la laisse tomber d’ici un ou deux « premiers EP ». On verra. En attendant, on initie la formule avec Shock! et les six chansons de leur « Première Phase ».
« Shock!, c’est pas un truc carré, ni un truc abouti ». C’est l’une des toutes premières phrases du disque, scandée par le chanteur, et force est de reconnaître qu’il a raison. Très influencé par le punk français des années 80, et très inscrit, de manière générale, dans la tradition du punk DIY et politisé, la musique des Bretons est en effet assez brouillonne et foutraque, et on sent qu’aucun producteur d’aucune sorte n’a posé le moindre début d’oreille sur cet EP. C’est d’ailleurs ce qui en fait son charme.
Shock! est en effet composé par des mecs qui n’ont pas plus de dix-neuf ans. Des quasi-lycéens, quoi, voire des lycéens, tout court. Et ça s’entend : les paroles sont simples, les compos bancales, et la structure de certains morceaux est assez aléatoire. Mais bizarrement, ça fonctionne bien. Peut-être, justement, parce qu’on a le contexte, l’image de ces mecs de Paimpol qui forment leur premier groupe et répètent à la sortie des cours. On sent, sur « Première Phase », une réelle envie de faire ça, un besoin d’être là, de jouer ces chansons, de dire ces trucs. Une certaine innocence, qu’on ne trouve en général que dans les tous premiers titres d’un jeune groupe.
Alors, oui, ça manque de finesse et il y a peu de chances que ce disque devienne l’un de mes EP favoris, mais putain, la motiv est là. Et c’est quand même l’ingrédient principal pour un groupe qui démarre, non ? Le reste, l’originalité, l’expérience, tout ça, ça viendra plus tard. Pour l’instant, les mecs de Shock! s’amusent, balancent tout ce qu’ils ont emmagasiné, et c’est très bien comme ça.
Et comme en plus il s’agit de chics types, leur EP est disponible gratuitement en téléchargement sur leur page Bandcamp. Tu peux aussi le choper en version CD moyennement quelques euros.
Et comme je le disais en intro, histoire de te faire découvrir un peu mieux ce groupe, je te laisse avec leurs réponses à quatre questions que je leur ai posées par mail. Bonne lecture, et à la prochaine.
Vous êtes tous les trois assez jeunes (entre 16 et 19 ans). Comment des mecs de votre âge découvrent des groupes comme les Bérus, aujourd’hui ? Ca s’est fait par le biais du mythologique grand frère, quelque chose comme ça ?
En fait on est 5 maintenant parce qu’on a intégré un bassiste et qu’une violoniste joue avec nous pour certaines dates, et on est un peu plus vieux. Sinon bah c’est vrai qu’un grand frère c’est utile pour chourer des cd mais on en a pas tous donc je pense que Bourdieu nous expliquerait tout ça à base de déterminisme mais nous on va éviter. Y a surtout des gens qui nous soutiennent, et puis le parcours classique en commençant à écouter des groupes de pop-punk au collège, et au fur et à mesure découvrir des trucs moins connus et plus intéressants ; principalement par internet.
Dans les paroles de l’EP, vous développez ici et là une espèce de décor un peu apocalyptique, avec des histoires de gens qui vivent dans les égouts et de cafards mutants. C’est quoi l’idée derrière ça ?
L’idée c’est que la métaphore c’est poétique et que la poésie c’est bien. Du coup les scarabées du pouvoir désignent la classe dirigeante et ses sbires, le peuple des souterrains regroupe à la fois la contre-culture et tous ceux qui luttent contre la domination (étatique ou capitaliste par exemple). Donc forcément c’est large, ça va des activistes, aux sound-system, lieux autogérés de toutes formes, les groupes antifa, anarchistes ou autonomes… Le peuple des souterrains creuse ses galeries, se fait des contacts, rencontre des gens, des groupes etc… Et à force de creuser, plus rien ne tient les fondations des scarabées et de leurs bouses du coup leur système de merde s’écroule.
Toujours concernant vos paroles, elles sont assez politisées, mais contiennent plusieurs grands poncifs des thématiques punks : la chanson contre la police, le refus du système… Cependant, en conclusion à l’EP, il y a ce titre, « Rien Ne Restera », dans lequel vous vous qualifiez de « pur produit de la génération Goéland », et où vous semblez avoir pas mal de recul sur vos propos… La question qui se pose alors, c’est de savoir s’il faut écouter vos chansons précédentes au premier degré, ou s’il s’agit d’une espèce de déconstruction des clichés habituels des paroles du punk…
Nous on est bien content que la contestation contre le système et les flics soient de grands poncifs des thématiques punks. Depuis 2005 on compte plus de 80 victimes de bavures policières (cf : www.urgence-notre-police-assassine.fr/123663553) et les deux tiers portent des noms à consonance étrangère. Donc répétons-le: les flics sont racistes et violents, ils protègent les riches et contrôlent les pauvres (ahh, pardon mais ça fait du bien).
Toujours premier degré. On chie sur le cynisme ambiant qui décrédibilise toutes formes de luttes. « Pur produit de la génération Goéland » c’est juste une manière de dire qu’on est des petits cons et qu’on vient pas te délivrer la bonne parole. Par contre on ira plus acheter des t-shirts « Anarchy » à 15 balles chez Goéland, autant chourer un t-shirt et le peindre.
Concernant vos influences, vous parlez également du rap. Dans ce style, quels artistes vous ont particulièrement influencés, et en quoi ? C’est une source musicale à laquelle vous allez davantage puiser à l’avenir ?
Comme beaucoup de punks La Rumeur est un groupe qui nous a beaucoup marqués. Les instrus toutes en lourdeur, toujours sous tension et puis au niveau des paroles c’est d’la haute voltige. Sinon on écoute aussi des trucs comme La Gale, Swift Guad, la Mafia K’1 Fry ou la Caution pour le rap français, ou encore Mobb Deep ou Dope DOD pour le rap anglophone. Le punk a tellement de points communs avec le rap qu’on comprend pas qu’il n’y ait pas plus de « passerelles » entre les deux scènes. RAP x PUNX UNITED ! Y a aussi Coutoentrelesdents, un collectif de rappeurs autonomes Parisiens dont N2K MASKA fait partie. On vient de reprendre le titre « Cerveaux grenades » et on va tenter d’organiser des soirées qui mélangent rap et punk en essayant de prendre modèle sur l’asso brestoise Crazy-Youth qui fait ça très bien. On vient aussi d’intégrer un synthé, vu qu’on est influencés par le milieu techno et les free-party.