Wearing Memories : The Explicits

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21 juillet 2012 par Vincent Mondiot

   Premier point : ce t-shirt est moche.
Mais deuxième point : ce t-shirt est noir. Ce qui est bien plus représentatif de ma garde-robe que tous les trucs farfelus que je vous ai présentés jusqu’ici dans cette rubrique.
Mais revenons tout d’abord sur le premier point.
Cette esthétique usée jusqu’à la moelle (crâne + guitares ? Sérieusement ? En 2012 ?), cette complète illisibilité du dessin (le crâne porte des lunettes de soleil ? Hein ? Quoi ? Et pourquoi y’a plein de traits et d’ombres bizarres sur sa gueule ?), cette crête tellement merdeuse que j’ai l’impression qu’elle est pixelisée, le « The » qui manque devant le nom du groupe… C’est une catastrophe. En plus, là vous ne pouvez pas voir, mais le t-shirt lui-même est d’assez mauvaise qualité, et bien que ce soit la dernière pièce ajoutée à ma collection vestimentaire, il y a deux ou trois mois, les coutures montrent déjà des signes de faiblesse. Je ne pense pas qu’il survive bien longtemps aux lavages et à l’aventure incroyable qu’est ma vie quotidienne.
Bref, je n’aime pas ce t-shirt. Pourtant, je ne regrette absolument pas son achat, et il m’arrive de l’enfiler alors que tous les autres ne sont pas au sale. La raison à cela est simple : l’amour, mec.

   Tu l’auras remarqué, le groupe mis à l’honneur sur cette étoffe de mauvais goût s’appelle The Explicits. Un nom incroyablement creux et générique pour un t-shirt qui ne l’est pas moins, donc. Et, tiens, pour pousser la blague jusqu’au bout, mate donc la pochette de leur album. Tu vas voir, l’imagination des mecs continuent à déborder de partout :

   Ca va, pas trop collé au siège par tant d’inventivité ? Ouais, moi aussi ça m’a fait bizarre, la première fois. T’en fais pas qu’en plus, à l’intérieur du cd y’a pas la moindre ombre de livret, hein. Paie ta pochette imprimée sur ton ordi et ton lot de cds gravables, et roulez jeunesse !
Bon. Donc ça démarre pas terrible pour The Explicits. C’est cool, ils ne vont pouvoir que remonter la pente, et te prouver que t’es vraiment trop un sac à merde, à juger les artistes sur leur apparence !
Parce qu’en vérité, cet album de The Explicits, que j’ai acheté sur internet en même temps que le t-shirt, est excellent. Et l’album qui l’a suivi, celui de Fit For Rivals (on y reviendra, tu vas tout comprendre, t’inquiète) est encore meilleur.

   Bon, The Explicits sont une bande de gosse originaires de Jacksonville, en Floride. A noter, détail complètement non-pertinent, que c’est également la ville d’origine de Limp Bizkit. Culture générale, mon gars.
En 2006, ils (The Explicits, pas Limp Bizkit) ont sorti un premier disque, l’album sans titre dont l’immortelle pochette t’a été présentée plus haut.
Sans être un album destiné à entrer dans la légende, ce disque fait néanmoins son putain d’effet, même six ans après sa sortie. La raison principale à ça se nomme Renée Phoenix. C’est elle que j’aime d’amour.
Renée, en France, c’est un prénom super craignos, surtout pour une fille, et si tes parents ont été assez bâtards pour te le filer, il est certain que durant ta scolarité tu as eu moult occasions de bien comprendre le sens de l’expression « se faire bolosser« . Mais aux Etats-Unis, terre de contrastes, ça passe super bien, et ça t’auréole d’un charisme européen qui fait de toi une fille vraiment très fréquentable.
Dans le cas de The Explicits, Renée, c’est leur chanteuse. A l’époque de ce premier album, elle a genre 18 ans, et déjà un charisme assez fou furieux. La preuve dans ce clip absolument dégueulasse, probablement tourné avec un vieux caméscope dans la cave des parents :

   Bon, si tu fais pas semblant de lire mes articles et que t’as vraiment écouté cette chanson, t’as pu te rendre compte de ce que ça donnait musicalement : velléités metal, double pédale bien trop présente, énergie et mauvais goût absolument lycéens… et présence vocale digne d’une Brody Dalle des grands jours.
Faut pas se mentir : avec une autre voix, The Explicits auraient livré un disque au contenu aussi banal que son contenant. Sauf que c’est pas une autre voix qu’ils ont choisie, et que ça suffit largement à faire la différence d’avec la masse.

   En 2009, The Explicits se rendent compte que leur nom est tout pourri, et décident de se rebaptiser Fit For Rivals. On y arrive. Un an plus tard, ils sortent un deuxième album, « Steady Damage« , qui a le droit à une pochette presque cool. Gros progrès. Surtout que les dix titres qu’il contient commencent eux aussi à buter bien comme il faut (plusieurs sont en fait des chansons de The Explicits revisitées et réarrangées).
Je ne sais pas si les musiciens ont pris conscience de leur chance d’avoir une telle chanteuse et se sont sortis les pouces du cul, ou s’ils ont simplement progressé, mais en tout cas, le changement de nom du groupe s’est accompagné d’un changement de statut, qui les a fait passer du rang de groupe de lycéens fans de Slipknot à celui de potentielle future star des salles enfumées et du Warped Tour 2014. Exit le metal mal digéré, bonjour le rock vénère aux accents Jack Daniel’siens.
Aujourd’hui, Fit For Rivals prépare son deuxième album grâce à Kickstarter (comme tous les groupes depuis un an, j’ai l’impression), et musicalement, ça donne ça :

   Encore une fois, c’est pas un groupe destiné à gravir le sommet de mon panthéon personnel. Pas encore. Mais c’est en tout cas un groupe que j’ai énormément de plaisir à écouter depuis plusieurs mois. Il dégage un mélange de candeur (dans son style ultra pas finaud, limite neo-metal) et de rudesse (dans cette voix géniale et ces structures sans fioriture aucune) qui fait beaucoup de bien à mes oreilles vieillissantes.

   Concernant le t-shirt, notre relation est trop jeune pour que j’aie déjà des souvenirs marquants avec lui. Désolé.
Par contre, là je me remate le clip de « Crash« , et j’aimerais revenir sur cette histoire d’esthétique du groupe, et sur comment je les ai découverts.
En fait, je bosse dans un hôtel, comme réceptionniste de nuit. C’est super chiant, et pour tromper l’ennui, il m’arrive de me faire des sessions de lobotomie musicale. Je tape le nom d’un groupe que je connais sur Youtube, et puis, de suggestions de vidéos en suggestions de vidéos, je creuse de plus en plus profondément dans un style bien particulier, finissant généralement par mater des clips horribles de groupes imitant Paramore ou Linkin Park. C’est lors d’une telle session que je suis tombé, complètement par hasard, sur Fit For Rivals.
Et en fait, je m’excuse de ce que j’ai dit : leur esthétique n’est pas à chier. Là où tous les autres groupes amateurs que je découvre ainsi en font des tonnes (teintures capillaires tricolores, pieds de micro en forme de vaisseaux spatiaux, clips tournés avec cent dix-huit caméras et quatre scénaristes…), Fit For Rivals n’accorde de place à quasiment aucun artifice, et se contente de présenter sa musique et de porter des t-shirts unis.
Présenté ainsi, je crois que ça devient difficile de leur en faire le reproche, non ?

   Bon, en espérant vous avoir donné envie de vous pencher sur leur cas, je vous laisse pour aujourd’hui. Je suis en pleine session « vidéos de groupes qui ressemblent à Papa Roach« , là, et c’est une activité qui demande toute ma concentration.

P.S. : Ah ouais, aussi ! Fait bizarre que je ne m’explique pas : alors que le groupe est encore globalement inconnu, il semble avoir trouvé quelques fans en France. Du moins peut-on le penser en apprenant qu’ils n’ont pas encore droit à une page Wikipedia américaine (ce qui n’est pas spécialement choquant)… Mais qu’ils en ont déjà une sur la version francophone. Chelou.

2 réflexions sur “Wearing Memories : The Explicits

  1. Matthieu dit :

    Tiens, j’avais pas commenté à l’époque. J’avoue que j’ai écouté l’album et que j’accroche bien. Un lecteur converti, c’est déjà bien.

Répondre à Matthieu Annuler la réponse.

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